« Service à la française » et « service à la russe » dans les menus du XIXe siècle
Si c’est au cours du XIXe siècle que le menu devient un élément incontournable de la table, c’est aussi à cette même époque que l’on change de service. Le « service à la française », qui s’est imposé sur les grandes tables européennes à partir du XVIIe siècle, et qui consistait à disposer harmonieusement sur la table un ensemble de mets, disparaît peu à peu au profit du « service à la russe » où les plats sont servis les uns après les autres.
Histoire et identités alimentaires en Europe, Martin Bruegel et Bruno Laurioux (dir.), Hachette Littératures, 2002.
Recension publiée dans Anthropozoologica, 2003, n° 37, p. 69-70:
« …Le rôle de l’alimentation dans la construction de l’identité est un fait. Si chaque individu diffère de l’autre par ses goûts et ses manières de manger, il en est de même d’un groupe social, des habitants d’un pays ou d’une communauté religieuse : tous en effet définissent, en matière d’alimentation, des identités collectives. Celles-ci, dans une perspective européenne et historique, sont l’objet de ce livre. Du Danemark à l’Espagne, de l’Angleterre à la Grèce, en passant par l’Allemagne et la Belgique, et bien d’autres pays, c’est un vaste espace qui est ainsi balayé.
Peut-on pour autant parler d’une identité alimentaire européenne dont le vecteur unificateur serait le christianisme? Ce serait oublier l’existence d’autres traditions, notamment juives et musulmanes, et négliger le temps long de l’histoire et les rythmes qui la jalonnent. Ce serait enfin omettre l’Etat nation dont la cuisine est un élément non négligeable de la construction identitaire… »
Du Vatel de Roland Joffé à la gastronomie du Grand Siècle
« Avec le film de Roland Joffé, le nom de Vatel est désormais connu d’un large public. Il l’était déjà depuis bien longtemps dans le monde des cuisines et des gastronomes où l’on confondit souvent sa fonction : entre cuisinier et maître d’hôtel. Le personnage est entré dans l’histoire par le témoignage de Madame de Sévigné qui rapporta son suicide dans sa correspondance… ».
Le film relate les derniers jours de Vatel et les festivités données en l’honneur du roi à Chantilly en avril 1671. Dans cet article, publié dans Siècle classique et cinéma contemporain(Tübingen, Gunter Narr Verlag, Biblio 17, 2009, p. 69-80), j’ai analysé les scènes du film dans un contexte historique afin de montrer les spécificités de la cuisine et de la table du XVIIe siècle : quelles étaient les fonctions d’un maître d’hôtel? comment organisait-on la table et le service des mets? comment fonctionnait le monde des cuisines?, car l’histoire de la cuisine et de la table de cette époque est intrinsèquement liée à la vie de cour et à celle de Louis XIV.
Dans le même ouvrage vous trouverez un article de Gesa Stedman et de Margarete Zimmermann également consacré au film de Roland Joffé : « Un paradigme parfait du monde actuel? Le film Vatel (2000) de Roland Joffé » (p. 53-68). Vous pouvez aussi lire l’article de Reynald Abad : « Aux origines du suicide de Vatel : les difficultés de l’approvisionnement en marée au temps de Louis XIV » (p. 631-641), publié dans la revue XVIIe siècle (oct.-Déc. 2002, n° 217) ; puis l’ouvrage de Dominique Michel, Vatel et la naissance de la gastronomie (Paris, Fayard, 1999), dans lequel j’ai adapté des recettes du Grand Siècle.
Le département « Science et culture de la gastronomie et de la restauration » de l’université de Padoue, organise un colloque en hommage à Giorgione, le célèbre peintre de la Renaissance vénitienne, qui se tiendra les 12 et 13 mars 2010 à Castelfranco Veneto, sa ville natale.
Le colloque commencera par un hommage à Giorgione puis se poursuivra sur le thème de la nourriture, de la cuisine et de la table à la Renaissance italienne (XVe et XVIe siècles). Les thèmes abordés concerneront principalement l’Italie, mais à partir de témoignages vénitiens je parlerai des métiers de bouche parisiens…
« Gap Sciences Animation 05 » est une association qui diffuse de la culture scientifique et technique auprès d’un large public, dans les Hautes Alpes. Pour l’année 2010 elle propose un cycle de conférences consacré à l’alimentation (programme ci-dessous) : de la nutrition à l’alimentation méditerranéenne et de montagne, en passant par le droit à l’alimentation, à une agriculture biologique, sans oublier bien sûr la cuisine française et son histoire que je présenterai le vendredi 26 février à partir de 18h à l’amphithéâtre du Pôle Universitaire de Gap :
« La cuisine française : histoire d’un succès. La réputation de la cuisine française n’est plus à faire. Du Moyen Age au XXe siècle, elle a su acquérir une renommée internationale tout en devenant une spécificité culturelle reconnue par tous. Au moment où la France souhaite une reconnaissance de son patrimoine gastronomique par l’Unesco, revenons à son histoire culinaire pour comprendre les raisons de son succès et la réussite des chefs français. »
Repas historiques dans un château du XVIIIe siècle
Au cours des mois de novembre et décembre 2009, le château d’Ursel a proposé une série de dîners XVIIIe siècle. Le menu que j’ai élaboré a été conçu à partir de recettes originales extraites des ouvrages culinaires de l’époque, dont la Suite des dons de Comus (1742) de François Marin, parmi d’autres recueils. Le repas a été servi à la française, où l’on dispose un ensemble de plats en même temps sur la table.
Château d’Ursel, Hingene, Belgique.
Avec les Lumières, les écrits culinaire prolifèrent et témoignent de l’intérêt croissant que l’on porte à la cuisine. Celle-ci est perçue comme un fait de civilisation, comme un art à part entière. Toute la société s’empare du fait culinaire considéré comme un élément essentiel de l’identité française, dans une Europe où Versailles et Paris donnent le ton. Dans les années 1730-1740 un vent de modernité souffle sur la cuisine et les érudits débattent de la notion de « nouvelle cuisine »…
En ces fêtes de fin d’année, la gastronomie est à l’honneur dans les médias.
J’ai ainsi été invité à l’émission de Béatrice Schönberg, « Prise directe » sur france 2 (15 décembre), dont le thème était « Les nouveaux champions de nos assiettes » ; à celle d’Yves Calvi, « C dans l’air » sur france 5 (24 décembre), intituléeTout le monde fête Noël, puis au « Sept dix » de france inter, le matin du 25 décembre, pour parler « Gastronomie française et pratiques culinaires »avec Alain Le Gouguec et Yves Camdeborde.
Les repas de confrérie à la fin du Moyen Âge: l’exemple de la confrérie parisienne Saint-Jacques-aux-Pèlerins au travers de sa comptabilité (XIVe siècle)
Au cœur du Paris médiéval, l’une des plus importantes confréries de la ville organisait chaque année un banquet qui pouvait réunir un bon millier de convives. Sa préparation créait un grand mouvement qui mobilisait l’ensemble des ressources financières, matérielles et humaines de la communauté. La mise en œuvre du banquet était un évènement majeur de la vie confraternelle, et sa réussite reflétait l’image même de la confrérie qui rassemblait l’élite parisienne.
Cette étude, présentée au colloque de Sens (2004) et publiée dans La cuisine et la table dans la France de la fin du Moyen Âge (Caen, CRAHM 2009, p. 51-78), s’appuie sur une exceptionnelle série de comptes que j’ai dépouillée depuis l’année 1319 jusqu’à la première décennie du XVe siècle. Cette comptabilité nous permet ainsi de comprendre le fonctionnement de la confrérie et l’organisation du banquet. Outre les denrées représentatives d’une grande table bourgeoise, on y servait les vins les plus réputés de l’époque, tel le vin de Beaune… [accéder au texte]
Exposition internationale de reliures d’art du 21 novembre au 24 décembre 2009
Cette exposition consacrée aux reliures gourmandes et organisée par les Bibliothèques-Médiathèques de Metz, l’association « Les Amis de la Reliure d’Art » (ARA France) et les Bibliothèques gourmandes, se déroulera dans le prestigieux cadre de l’Arsenal-Metz en Scènes.
Les professionnels de la reliure y présenteront créations et savoir-faire sur le thème de la gastronomie. Le jour de l’inauguration (samedi 21 novembre 2009) sera aussi l’occasion d’un colloque sur « Les bons plats, livres, reliures et gastronomie ».
Les « Reliures gourmandes » sont aussi un bel ouvrage
L’exposition et le colloque seront accompagnés d’une publication éditée chez Faton, qui montre les 147 reliures des 108 participants, et les reliures originales de la Bibliothèque municipale de Dijon et des Bibliothèques-médiathèques de Metz ; contribuant ainsi « à une plus grande reconnaissance des arts du livre dont la reliure est un des fleurons », écrit Christian Frégé (Président de L’ARA France).
« Comme la cuisine, la reliure est un métier d’art et de passion, dans lequel peuvent se donner libre cours aussi bien le respect des règles les plus strictes que la fantaisie la plus échevelée : seuls comptent le respect de la matière et la satisfaction du convive-lecteur », explique Jean-Pierre Fournier (Vice-président des Bibliothèques gourmandes)
A ces livres-objets, s’ajoute un ensemble de textes sur la cuisine, la table, la gastronomie, et le champagne. En passant par la cuisine lorraine, livres et identité, André-Pierre Syren mène le lecteur dans une belle promenade bibliographique et littéraire, cherchant à décrypter l’énigme de la cuisine lorraine, dans une région que l’histoire malmena. De mon côté, j’aborde L’iconographie dans les ouvrages culinaires : des premiers imprimés au XIXe siècle, où comment les cuisiniers surent utiliser l’illustration pour valoriser leur profession.
Fabienne Huttaux présente, quant-à-elle, Le patrimoine écrit de la Maison Veuve Clicquot Ponsardin, grande maison de champagne, comme nous le savons tous, et qui a su constituer un exceptionnel fonds d’archives historiques témoignant de son activité depuis le XVIIIe siècle. Enfin, les Menus contraints Zuppa inglese, Variations gastropoétiques d’Alain Chevrier concluent cette partie de l’ouvrage, avec un jeu de couleurs, de formes et d’appellations qui vont de la poésie au surréalisme…
Entre le cuit et le cru: la cuisine de l’huître, en France, de la fin du Moyen Âge au XXe siècle
Nous n’avons pas toujours aimé les huîtres crues.
Longtemps, en effet, l’huître crue et vivante a été perçue comme une denrée dangereuse, nocive à la consommation. La cuisiner devenait dès lors un moyen de la manger sans danger. C’est pourquoi l’on rencontre une grande variété de recettes d’huîtres dans les ouvrages de cuisine du Moyen Âge au siècle des Lumières.
Mais au cours du XIXe siècle le mollusque cuisiné est délaissé au profit de l’huître crue qui devient « la seule maîtresse des gastronomes ». Pour Joseph Favre dans son Dictionnaire universel de cuisine (vers 1905), « ce serait un attentat contre le bon goût que de vouloir la manger cuite, ce qui est du domaine de la cuisine barbare ».
C’est la victoire de l’huître crue sur l’huître cuisinée, probablement favorisée par l’ostréiculture et la modernisation des moyens de transport : « Depuis que les chemins de fer ont été établis sur toute l’étendue du territoire, des débouchés nouveaux se sont ouverts au commerce des huîtres », témoigne un contemporain des années 1850… [accéder à l’article]
Cet article est issu d’une communication présentée au colloque du Musée maritime de l’île de Tatihou en octobre 2003. Il est publié dans Les nourritures de la mer, de la criée à l’assiette (CRHQ, Caen, 2007, p. 211-220).
Dans le même ouvrage d’autres articles concernent l’huître :
Magali Schneider et Sébastien Lepetz, « L’exploitation, la commercialisation et la consommation des huîtres à l’époque romaine en Gaule », p. 11-34.
Jeanine Le Bihan, « La consommation et la diffusion des huîtres dans le Morbihan (1850-1980) », p.169-174.
Gervaise Debucquet et M. Merdji, « Du nouveau dans les fruits de mer: les huîtres triploïdes », p. 299-303.